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Je lis au lit
21 mai 2015

Vernon Subutex de Virginie Despentes

 

vernon

"Les femmes aiment les garçons qui aiment le rock, c'est juste assez sale pour les affoler, tout en s'accordant assez bien avec le confort bourgeois."

Le dernier roman de Despentes déménage, il possède l'énergie du désespoir pour dire le temps qui passe, la nostalgie de la jeunesse perdue. Il est aussi terriblement, férocement drôle pour alpinguer les médiocres de tout bord ou tout simplement moi et vous, ceux qui s'arrangent avec la vie comme ils peuvent, ceux qui ont retourné leur veste ou viré leur cutie, ceux qui ont abandonné leur fougue passée, et ceux qui vieillissent tout simplement. Et puis heureusement, ce sacré roman sait s'attarder avec brio et bonheur sur ce qui fait encore vibrer et s'accorder à la vie : la bonne musique, les nuits de folie, les belles rencontres, le sexe et l'amour. 

La trame du récit est archi -simple : un personnage, le Vernon en question, ancien disquaire, témoin d'une époque révolue, est  expulsé de chez  lui. Il va alors crêcher chez les uns et les autres, et au gré de ses pérégrinations, toute une galerie de personnages prend vie. Un seul lien : la mort d'un chanteur dont on ne sait s'il avait réellement du talent ou s'il était un pur guignol. Au fil des chapitres, Vernon s'avère un personnage d'une grande plasticité, aux facettes multiples, chacun y va de son avis sur lui.... bref il est ce que l'autre veut bien voir de lui. Plus on avance dans le récit et plus il devient insaisissable, mystérieux, il perd de sa consistance et de son épaisseur, et ce n'est pas pour rien qu'à la fin, nous l'abandonnons à la rue, sdf, invisible aux yeux des passants.

En revanche, tous les personnages qui gravitent autour de lui et qui vont l'héberger sont croqués avec brio par une Virginie Despentes au meilleur de sa forme. C'est féroce ce qu'il faut, de manière jouissive, tout le monde en prend pour son grade, et tout le monde se reconnait.... les accrocs à facebook devenus tous "des psychopathes débiles" incapables de la moindre empathie, les anciens rockeuses rangées devenues des fées du logis maniaques et trop grosses, les bons maris frustrés ou incapables de se retenir quand il s'agit de tabasser leur femme. Tout sonne juste, on sent que l'auteur connait ce et ceux dont elle cause...le monde du cinéma et de la télé, l'univers de la nuit, des boites et de la musique, l'univers des intellos, des bobos, des dj, le fric et la dèche. Elle navigue, à l'aise dans toutes les eaux, dans tous les milieux, c'est ancré ici et maintenant, très contemporain.

 Et puis par dessus tout, il y a là-dedans ce qui me ravit chez Despentes, le sens de la formule, de la phrase bien sentie, c'est ce que j'adore chez la miss et ce qui fait d'elle, allez n'ayons pas peur des mots, une moraliste à sa façon, un auteur qui du singulier sait extraire la vérité existentielle qui tue.
Despentes est bien l'écrivain de ma génération, elle se situe exactement là, entre nostalgie de la jeunesse enfuie et envie d'en découdre encore. Et elle prouve qu'elle n'a rien perdu de sa fougue, de son esprit et de sa sympathique agressivité.

Ed. Grasset, 2015

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Commentaires
M
Bonjour , je découvre ce soir votre blog et je choisis ce billet en particulier pour laisser trace de mon passage ;-) mais j'aurais pu en choisir bien d'autres, car nous avons bcp de lectures et de visionnages de films en commun, manifestement ! Bravo pour des billets bien construits et bien argumentés ( même quand je ne suis pas d'accord, je les trouve intéressants ;-) Je m'étonne de la confidentialité de votre blog , entre nous ...
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