Vernon Subutex 2 de Virginie Despentes
Un jour on pensera à ce Paris cosmopolite du début du troisième millénaire comme à une Babylone insensée, et on aura du mal é se représenter autant de gens ayant réussi à vivre ensemble dans une paix bien réelle. Des geeks barbus, des pédés d'extrême droite, des Juifs dealers, des bombasses khâgneuses, des Américains bohèmes et des toxicos réactionnaires...Toutes les articulations possibles et elle fait partie de cette mosaïque.
Complètement addictif, comme une très bonne série. Absolument jouissif, comme une nuit d'éclate. Le genre de livre dont on retarde le rythme de la lecture pour parvenir à la fin le plus lentement possible. Et dont on attend déjà le tome 3 avec excitation.
Surprenant aussi. Je m'attendais à ce que la galerie de personnages présente dans le tome 1 se poursuive. A ce que Vernon, laissé sur un banc quasi SDF, continue sa déambulation dans Paris, croise d'autres visages, d'autres voix... Ben non. Certes il y a quelques nouvelles figures dans ce tome 2 mais Virginie Despentes fait le choix de revenir sur les personnages du premier tome, d'approfondir et de creuser le point de vue que l'on a sur eux, d'enrichir notre regard sur leur personnalité. C'est très fort, parfois étonnant, ce jeu de facettes multiples sur les gens, à l'image de la vie quoi, toujours mouvante et qui nous échappe... Et comme dans une série disais-je, ce plaisir de retrouver à chaque chapitre un personnage déjà connu, et de faire un petit bout de chemin avec lui, de creuser un peu plus son passé et son histoire. De s'égarer aussi dans les suppositions, chacun y allant de son point de vue sur chacun.
Le premier tome est un tourbillon côté narration, rythme et écriture. Ici l'histoire se pose, avec les personnages. Vernon cesse de rôder, il s'installe dans le parc des Buttes-Chaumont. Il cesse de s'inquiéter, il est curieusement apaisé, malgré sa situation précaire. Le mouvement s'inverse. Il n'est plus celui qui se déplace mais celui vers qui convergent les autres, qui se rassemblent autour de lui. Des gens qui se sont côtoyés il y a longtemps ou qui n'étaient pas destinés à se rencontrer se regroupent, se retrouvent, dans un semblant d'humanité ou de solidarité. Nous n'en savons toujours guère plus sur Vernon, toujours cette sihouette paradoxalement la plus désincarnée dans le roman. Il est celui à qui on parle, celui à qui se confie Alex dans le chapitre central du roman, celui à qui l'on se décharge aussi de sa culpabilité. Vernon un nouveau Christ trash et contemporain?
Côté écriture, c'est toujours extrêmement brillant. L'art de la formule, de la réflexion bien tournée qui fait mal, l'humour féroce. Les détails qui incarnent les personnages avec force. Le regard sur la société et sur l'existence, sur le temps qui passe.
Un livre qui fait du bien, empreint tout à la fois de douceur et de violence. Virginie on t'aime.
Ed. Grasset, 2015