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Je lis au lit
4 février 2014

Réparer les vivants de Maylis de Kerangal

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Dès la première phrase, j'ai été transportée par la beauté de ce texte, complexe et précis, un texte qui touche à l'essentiel, à ce qui pulse, qui bat, et nous maintient en vie : le coeur, symbole de l'amour et de l'énergie vitale. Dès la première phrase, j'ai été emportée par un rythme, un flow, une écriture tour à tour fluide ou haletante, sinueuse ou directe, au gré des accélérations ou des pauses de la narration. Magnifique.
Une histoire folle se déroule au fil de ce livre, l'histoire d'une transplantation cardiaque, d'un passage de la mort à la vie, le récit d'un voyage, celui du coeur de Simon vers le corps de Claire. Une folie oui, inimaginable il y a quelques décennies. Nous voici plongés dans un milieu hyper médicalisé, chirurgical et aseptisé, hyper moderne, à la pointe de la science... Et pourtant rien n'est déshumanisé dans ce récit, chaque personnage, intervenant à chacune des étapes de cette course vers la greffe vit intensément sous la plume de l'auteur, est incarné, rendu si humain en quelques pages... On a là de de très beaux portraits d'hommes et de femmes : Cordélia l'infirmière, Revol le médecin anesthésiste, Thomas l'infirmier coordonnateur des prélèvements d'organes, Juliette l'amoureuse de Simon... En quelques paragraphes l'auteur dévoile ce qui fait la profondeur et l'intimité de chacun, livre juste ce qui est nécessaire pour les imaginer, là, concrètement, dans l'exercice de leur métier, mais aussi dans leur vie privé. 
L'écrivain sait ainsi "décrocher" de la ligne de force de son sujet, pour mieux saisir l'essence passionnée de ses personnages, le coeur même de ce qui les retient à la vie.  Les rêveries érotiques de Cordelia ou la magnifique scène de surf du début, dans laquelle Simon fait corps avec la vague, jouent ainsi ce rôle, permettent de "ressaisir en un tout l'éclatement de l'existence".

Du début à la fin, Maelys de Kerangal tient son lecteur en haleine... étroitement lié au devenir du coeur de Simon, qui continue à battre, là avec le nôtre, grâce aux tuyaux, aux branchements et aux machines. De la venue des secours à la fin de la transplation il se déroule 20 heures 29 minutes exactement...  le temps qui passe durant cette journée dingue tantôt se dilate, tantôt s'accélère, et rendre palpable, présent ce temps, c'est vraiment une très grande réussite du roman. Ainsi les pages concernant les heures entre le moment où Claire, la mère de Simon apprend l' accident jusqu'au feu vert donné pour la transplatation s'étirent, épousent la souffrance interminable, le bouleversement intérieur des parents, l'indécision. Et au contraire, entre le prélèvement du coeur et sa transplantation, le temps de la narration se précipite, se concentre, car c'est là un temps vital, précieux, qui ne doit pas excéder quatre heures. Ainsi j'avoue avoir frémi avec le chirurgien dans le taxi transportant le coeur, j'étais dans la voiture bloquée dans un embouteillage, soulagée seulement lorsqu'enfin au bloc la transplantation s'est achevée! 

La fragilité de la vie, la douleur de la perte, le mystère du vivant et de l'éphémère, mais aussi la volonté tenace des hommes, le besoin toujours renouvelé d'agir et d'inventer, de ne pas capituler devant la maladie et la mort....  Maylis de Kerangal s'empare de ces sujets avec un talent incroyable, au fil d'une écriture qui m'a totalement subjuguée.

Ed. Verticales, 2014 

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Commentaires
E
Je n'ai pas du tout le même enthousiasme que le tien à la lecture de ce livre. (enthousiasme partagé par ailleurs par un grand nombre de lecteur). Je l'ai lu comme un essai surtout pas comme un roman. Je n'ai pas trouvé la place pour les sentiments et surtout elle ne m'a pas laissé de place. c'st difficile pour moi d'être dirigée , voir enfermée tout au long du texte. "cela m'a mangé la tête". Certes il y a un travail de recherche, un travail d'écriture mais pour moi ce n'est pas suffisant. A bientôt. Elisabeth
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