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Je lis au lit
10 juillet 2012

Cet été-là de William Trevor

 

 

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Ellie, jeune irlandaise à qui rien n'a été donné, enfant trouvée, élevée dans un institut catholique, placée comme domestique dans une ferme, puis mariée à Dillahan, le fermier veuf chez qui elle a été placée pour travailler, rencontre Florian, un jeune homme ruiné, en tombe éperdument amoureuse, a une brève relation avec lui et le voit partir, puisqu'il n'est pas vraiment attaché à elle et a décidé d'emigrer. Elle, qui n'a jamais connu la passion et le désir, qui n'a jamais été aimée et qui n'a jamais aimé voit en l'espace d'un été l'amour lui être révélé puis ôté. C'est tout, c'est peu pour faire la trame d'un roman, et pourtant, je suis sortie de là émue jusqu'aux larmes, ce livre dégage une tristesse infinie et il y avait longtemps que je n'avais pas rencontré un personnage aussi touchant qu'Ellie. William Trevor réussit à nous faire ressentir les sentiments, l'espoir incontrôlable, puis la tristesse et le désespoir de la jeune femme, sa résignation enfin dans son choix final, sa profonde bonté et son abnégation, et tout cela sans aucun pathos, sans jamais tomber dans la grandiloquence ou le lyrisme, au contraire nous sommes en plein ici dans la retenue et le à peine formulé. Le style de Trevor épouse en fait la personnalité de son héroïne, sa façon d'être dans la vie, les silences en disent beaucoup et peu de mots, quelques phrases suffisent à dire la passion, le don de soi, le bouleversement intérieur et l'abandon. Ellie ne s'épanche pas, n'a pas l'habitude d'exprimer ce qu'elle ressent, mais lorsqu'elle dit les choses, nous sommes soufflés par la violence et la vérité de ses paroles : "Je suis venue à toi, sans toi je ne suis rien".

Et puis il y a l'Irlande, un pays que j'affectionne particulièrement, peut-être parce que ses landes de bruyère me font penser à la Lozère, avec la brume et la pluie qui donnent au paysage ce ton plein de mélancolie douce. Trevor, comme beaucoup d'irlandais, a quitté son pays, mais il lui est profondément relié, il nous fait sentir le repli sur soi de ses habitants, de ceux qui restent, le poids des usages et de la religion catholique, d'autant plus que l'histoire se situe dans les années cinquante, et dans un même mouvement il n'oublie pas l'ouverture vers le monde de cette terre, l'immigration faisant partie des possibles de l'existence lorsqu'on naît là-bas. Ainsi Florian pense à la contrée qui va l'accueillir, la Scandinavie peut-être, il transmet cet envie d'ailleurs à Ellie qui, sans y croire vraiment, pour le plaisir de rêver encore un peu et ne pas se résigner à le perdre, se prépare à s'enfuir avec lui. L'Italie est aussi évoquée, à travers la famille maternelle du jeune homme et sa cousine Isabella, son éternel amour perdu, et c'est le soleil et la lumière du Sud méditerranéen qui s'unissent alors aux nuages et aux cieux changeants de l'Irlande.

William Trevor excelle oui vraiment à écrire la vie réelle et la vie rêvée, le trivial et le sublime, la douceur et la violence de l'amour, la beauté de la nature, sans jamais en faire trop, en choisissant les mots qu'il faut au millimètre près, et on pense alors aux nouvelles de Thékhov ou de Joyce. Certains paragraphes de ce livre feraient venir les larmes aux yeux au pire des salauds je crois...

 

 

 

 

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