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Je lis au lit
30 juin 2012

Le troisième jour de Chochona Boukhobza

 

 

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D'entrée, j'ai adoré ce livre. D'entrée je me suis plongée dedans, je me suis retrouvée à Jérusalem, dans la chaleur et la poussière, dans cette ville qui n'arrête pas de pousser, de s'étendre et de grignotter les collines environnantes, où la modernité et la laideur des hlm côtoient les pierres antiques des monuments religieux. Et je me suis glissée tout de suite dans la peau de Rachel, jeune violoncelliste retrouvant sa ville natale après une absence de cinq ans, de retour pour seulement trois jours afin d'y donner un concert. J'ai aimé ce personnage sans doute parce que l'auteur parvient à lui prêter des mots justes et une voix vraie, une voix qui me parle particulièrement en tout cas, ses phrases font mouche, lorsqu'elle dit par exemple se retrouver empôtée, comme une petite fille face à ses parents, nous avouant qu'elle "les aime mais que leurs rapports sont compliqués" et qu'en leur compagnie, "elle devient molle, vide, ne sait plus comment elle s'appelle, s'il faut qu'elle rampe ou qu'elle se sauve. S'il faut qu'elle se flingue". Comment vivre loin de ses proches et de son lieu d'origine, comment ne pas culpabiliser d'avoir lâché sa famille, comment mener tranquillement sa vie ailleurs sans eux... toutes ces questions me touchent particulièrement. Vivre dans un entre deux, ce lieu à la jonction de ses racines et de l'univers que l'on a intégré, ce lieu où se mêlent la fidélité au monde que l'on a quitté et l'irrépressible besoin de s'en détacher ou même de le trahir afin de sauver sa peau.... Je sais bien que l'on est pas obligé de s'identifier au personnage d'un roman pour l'apprécier, certes, mais, là, c'est ainsi, les paroles de Rachel sont allées droit au but, ou plutôt ont percuté direct ma petite psyché. Peu importe que l'on soit juive d'origine tunisienne ou lozérienne pure souche, quand il s'agit d'éprouver ce curieux mélange de culpabilité et de fidélité envers ses origines et les siens...

 Le troisième jour est aussi un roman choral qui entrelacent la voix et le destin de plusieurs personnages, ceux qui ont choisi de vivre ailleurs, et ceux qui sont restés en Israël, qui ont fait le choix de vieillir, d'aimer, ou de se battre sur cette terre, qu'ils soient juifs, catholiques ou arabes. Aucun discours partisan ou engagé de la part de Chochona Boubhozka, non, pas de prêchi-prêcha ou de leçons à donner, et cette neutralité ou plutôt cette capacité à épouser divers points de vue est un des aspects particulièrement réussis de son livre, l'auteur donnant ainsi vie à plusieurs personnages tous très attachants, incarnant plusieurs engagements, plusieurs cultures et religions.Toutefois c'est bien le cheminement des deux musiciennes qui donne son fil conducteur au roman, Rachel et Eslisheva, la jeune et la vieille, celle qui a tout a vivre mais qui doit choisir entre rester ou partir, entre aimer à nouveau ou résister à Eytan, son premier amour, et celle qui a tout vécu, elle "pour qui les cieux se sont brisés", hantée par son passé dans les camps de concentration, et qui revient pour se venger de son bourreau nazi. S'entrelacent alors l'histoire tragique du peuple juif à travers la figure volontaire d'Elisheva mais aussi son devenir, incarnés par Rachel ou encore son frère Avner. Nous voyons que rien n'est simple là-bas, que les choix politiques et religieux, quand ils doivent être vécus au jour le jour à Jérusalem n'ont rien à voir avec nos positions occidentales qui sont parfois des positions de principes, à l'emporte pièce, forgées souvent via le discours que nous tiennent les médias. Non, quand on vit là-bas, il faut composer avec la réalité, Avner met ainsi de côté ses origines juives quand il s'agit d' aider et d'héberger un jeune arabe licencié par son patron, bref, les idéologies cèdent la place aux relations humaines lorsqu'on se trouve pris dans la complexité et la densité du réel vécu au quotidien.

A vous donc de lire ce roman, et je parie que vous ne le lâcherez pas jusqu'à la fin, pris dans la violence et la tension des destins croisés de Rachel et  Elisheva. Si vous ne l'aimez pas, retournez à Musso et Levy, je ne peux rien pour vous.

 

 

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