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Je lis au lit
30 avril 2012

Tours et détours de la vilaine fille de Mario Vargas Llosa

images__1_J'ai eu envie de lire ce roman car j'avais adoré le précédent du même auteur Le paradis - Un peu plus loin, récit entrelaçant la vie de Flora Tristan et de son petit fils Gauguin. La dimension sociale et engagée de ce texte m'avait emballée, ainsi que le destin de deux êtres exceptionnels s'abîmant jusqu'au bout dans leur passion, pour l'une sociale et politique, pour l'autre imaginaire et artistique. Dans Tours et détours de la mauvaise fille, le moins qu'on puisse dire, c'est que l'écrivain  ne s'embarrasse plus de la contrainte réaliste, même si l'engagement social de Vargas Llosa se fait quand même sentir parfois. Ici, "Rien n'est impossible, les coincidences les plus folles, les hypothèses les plus invraisemblables" peuvent arriver, nous dit le narrateur et cette phrase pourrait bien être la maxime de ce roman de 400 pages qui enchaine retrouvailles folles et inattendues entre les deux héros, la vilaine fille en question et son amoureux transi, et qui se soucie comme d'une guigne de la vraisemblance. Bref voici planté le décor puisque durant quasi 40 ans, le narrateur ne va cesser d'aimer cette "nina mala" qui va lui en faire voir les pierres du chemin, il va la perdre et la retrouver comme par magie au gré de ses voyages et pérégrinations. Nous passerons ainsi du Pérou à Paris, puis à Londres à Tokyo, pour faire un détour par Madrid, pour revenir enfin à la case départ en Amérique du sud. La très jeune fille rencontrée dans le quartier de Miraflorès à Lima dans les années 1950 se métamorphosera en une incroyable aventurière qui n'a pas froid aux yeux, tour à tour guerillera à Cuba, jolie épouse modèle à Paris, richissime aristocrate désabusée en Angleterre, maitresse soumise d'un japonais pervers au Japon, et j'en passe... prête à tout pour s'extraire de son milieu d'origine, de la misère et de la pauvreté, jusqu'à même sacrifier les sentiments amoureux sur l'autel de l'argent et des apparences. Et pourtant son amoureux incorrigible ne cessera de la chérir, se traitant bien souvent de fieffé imbécile,  l'aimera à la folie pour son plus grand malheur mais aussi pour son plus grand bonheur, la retrouvant ça et là, au cours de périodes plus ou moins longues pour faire un bout de chemin avec elle.
Moi qui apprécie en général que la littérature s'accorde au réel et qu'elle sache nous en transmettre sa force et sa violence, sans s'attarder dans des aventures dignes de contes de fée, et bien oui, j'avoue, comme dit mon fils, que je me suis laissée prendre au jeu. Ces aventures abracadabrantes, ces hasards heureux font partie du charme de ce livre, une fois bien sûr accepté que nous sommes dans une autre dimension du réel, dans cette dimension où effectivement les rencontres et les retrouvailles les plus miraculeuses peuvent arriver. Et même, et c'est là la grande force de ce roman, nous en venons à souhaiter à sa lecture que la vie puisse être ainsi, à l'image de ce qui nous raconté... que l'on ne puisse jamais perdre irrémédiablement la personne aimée, que l'on puisse toujours la retrouver, même au bout du monde, qu'elle réapparaisse comme par magie, au moment où on ne s'y attend le moins pour nous sortir de notre train-train, et que la passion incommensurable, incandescente, ne meure jamais, renaisse sans cesse. 

Bref, ce livre se dévore allègrement, nous n'en sommes plus à une incohérence près, pris dans un tourbillon où se mêlent le tragique et la drôlerie, la peine et l'humour. Cette vilaine fille est décidément incorrigible, elle possède un tempérament de feu, ne se soumet pas, et surtout pas à l'amour, ne perd jamais de vue ses objectifs : réussir, oublier la misère crasse d'où elle vient. Elle peut ainsi passer pour une horrible arriviste, un monstre d'insensibilité, ce qu'elle est quelque part. Mais cette jolie petite personne reste aussi toujours touchante et humaine, car hélas la vie se chargera de l'abimer et de la soumettre à sa violence. C'est un véritable personnage romanesque pour le coup que nous campe là Vargas Llosa et nous nous mettons à aimer et à admirer ce petit bout de femme avec le narrateur, un curieux sentiment d'empathie nous gagne à la fois pour elle et pour lui, sans que nous puissions décider qui de l'un ou de l'autre est le plus misérable ou le plus admirable. Et quand les deux personnages se retrouvent au lit, nous frémissons avec eux, tant les scènes de sexe sont  particulièrement réussies, crues, l'auteur y appelle un chat un chat, ce style direct colle aux situations et séduit dans ce roman décidément surprenant.

En commencant la lecture de Tours et détours de la vilaine fille, je n'aurais pas donné cher de sa peau, ou plutôt de sa lecture, je me disais qu'il allait me tomber très vite des mains, je croyais entrer dans un roman culcul sans grand intérêt. Or voilà que ma lecture est achevée et me laisse heureuse d'avoir vécu un temps aux côtés de ces deux personnages. Et me voici un peu dépitée de devoir retrouver ma petite réalité, moi qui ne connaitrai jamais la vie d'aventurière d'une "nina mala".

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Commentaires
F
Ah oui, je ne sais pourquoi je confonds toujours Louise et Flora.... Je corrige donc!
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P
Bonjour, petite coquille toutefois dans ce billet : dans Le paradis un peu plus loin, il s'agit de Flora Tristan et non de Louise Michel.
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