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Je lis au lit
4 février 2017

Tropique de la violence de Nathacha Appanah

 

téléchargement (2)Tu vois, Mo, faut pas croire tout ce que tu vois, faut pas croire que je valais rien.  Va pas croire toutes ces conneries sur les mineurs isolés comme disent les gens des associations et des ONG et des comités et des secours et des croix, ils comprennent jamais rien ces gens-là. 

Je suis né ici, moi. De tous les gars, je suis le seul vrai Mahorais, j'ai mes papiers, demande-moi lequel, j'ai tout, acte de naissance, carte d'identité, j'ai même un passeport République française.

Que savons-nous de Mayotte? Et bien moi j'avoue pas grand-chose, et ce roman a eu au moins le mérite de m'ouvrir un peu les yeux. Parce que moi, je voyais Mayotte comme un petit coin de paradis... le plus beau lagon du monde, et une destination fréquente pour les enseignants qui veulent voir du pays et se faire un peu d'argent en même temps... J'ai compris avec Tropique de la violence que l'île est confrontée à une immigration de masse, qu'un habitant sur trois -je me suis renseignée- est en situation irrégulière, qu'un jeune sur trois entre 16 et 18 est illetré, et que les médias de la métropole observent en général un silence quasi général sur les manifestations de violence, les grèves et la misère qui règnent là-bas. Mais voilà Tropique de la violence n'est pas un documentaire ou un essai, c'est un roman, il faut donc trouver un angle d'attaque pour causer de tout cela, un point de vue et une écriture.
Nathacha Appanah choisit d'écrire un roman choral où tour à tour différents personnages s'expriment : Mary, Moïse son fils adoptif de quinze ans, Bruce un jeune caïd de la rue, voilà pour les trois voix principales. Lorsque Mary meurt, Moïse se retrouve à la rue et rencontre Bruce, jusqu'à ce que leur relation mène au drame. La voix de Bruce, dans sa hargne et sa volonté d'en découdre est pour moi celle qui fonctionne le mieux, et même si les procédés d'écriture s'avèrent un peu trop systématiques, avec par exemple l'omission de la ponctuation pour souligner le flow oral de Bruce et quelques mots en mahoré par ci par là pour faire local,  cette voix permet  d'incarner avec pas mal de force ce personnage violent et ambigü, à la fois victime et bourreau. 

La révolte gronde à Mayotte, mais ici, sourds à ce qui se passe là-bas, on a oublié que c'est toujours la France.

Ed Gallimard, 2016

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