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Je lis au lit
7 septembre 2016

Le garçon de Marcus Malte

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Un garçon ou comment expérimenter le monde et mettre à l'épreuve l'écriture.

Un roman à part dans cette rentrée littéraire 2016, un ovni, pas du tout  dans la veine des livres précédents de Marcus Malte, ceux qui frisaient avec le polar, ou ceux, excellents d'ailleurs, qui étaient publiés en collection jeunesse -L'échelle de Glasglow, Scarrels, Il va venir-. Ce garçon c'est ici un enfant quasi sauvage, né au début du siècle et élevé par une mère mutique dans une pauvre masure perdue, quelque part dans le sud de la France. Quand la mère meurt, commence l'histoire du fils. Le garçon c'est, à l'échelle d'un destin individuel, la découverte du monde, de ses semblables, des relations humaines, de tout ce qui fait le sublime ou le sordide de l'existence. Un roman d'apprentissage donc, radical et dans toute la force de l'acception du terme.

Le garçon, qui sera nommé tout au long du texte par ce terme neutre et universel, découvre ce qu'il y a de plus beau et de plus horrible à côtoyer les hommes. D'abord, l'amitié et l'admiration pour des êtres hors du commun, ici représentés par Joseph le sage ou Brabek, le philosophe et lutteur de foire. L'amour ensuite, avec Emma, l'amour dans toute sa puissance sexuelle et charnelle, le désir sensuel et fiévreux, une passion qui est à l'origine de magnifiques pages érotiques pour écrire l'initiation au plaisir des deux amants. Initiation littéraire également car Emma aime écrire et lire, adore la poésie et les mots, et même si le garçon ne dit rien, il sait écouter attentivement. Mais nous sommes au début du siècle, et Marcus Malte nous rappelle qu'une histoire individuelle s'inscrit toujours dans la grande Histoire. La dernière partie du roman est peut-être la plus belle, tant elle suit au plus près, dans le feu des combats, la fatigue des longues marches, l'attente au fond des tranchées, la réalité brute et idiote de la grande guerre. 
Cet apprentissage total, Marcus Malte, en fait avec brio un apprentissage personnel du style et de l'écriture. Trouver une manière d'écrire qui colle au mieux à ce qui est raconté, explorer les possibilités du langage, que ce soit dans le travail de la phrase, de son rythme, du ton et des registres, du choix du vocabulaire, voici la grande affaire de ce récit. Le tout flirte parfois avec l'exercice de style un peu démonstratif, donne un ensemble un peu hétéroclite.... mais, basta, je m'incline devant la formidable inventivité langagière de l'auteur, chaque chapitre surprend, tente une nouveauté stylistique et narrative.... la violence des combats se mêle ainsi au chant de la Marseillaise, l'imbécilité et l'alliance des grands de ce monde est rendu à travers une liste désopilante et sans fin de leur lien de parenté, la force de caractère d'Emma et sa grande intelligence transparaissent dans des dialogues enlevés entre elle et son père, et ce ne sont que des exemples.
Et puis Le garçon, je l'ai lu comme un grand roman de révolte et d'indignation. Révolte envers les puissants qui mènent le monde, qui décident pour les autres, les mènent à la boucherie ou les maintiennent dans la misère. Marcus Malte manie à merveille l'ironie, la dénonciation, toutes les nuances et les variations de la langue sont ses armes d'écrivain en colère. J'ai senti en lisant ce texte la personnalité d'un auteur sensible et insoumis, en rebellion, écoeuré par les manigances des dirigeants à qui la guerre profite toujours. 
Mutique et secret, le garçon écoute et observe sans jamais parler, et il est pourtant celui par qui le monde se révéle une nouvelle fois, éclairci et mis au jour. La littérature dans toute sa force, pour éprouver l'existence et la chorégraphier avec style.

Edition Zulma, 2016.

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Commentaires
C
Eh bien ! Très belle chronique, bravo ! Je suis tout à fait d'accord...
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