A la table des hommes de Sylvie Germain
Un pauvre porcelet, seul survivant d'une ferme bombardée, est arrachée aux mamelles de sa mère, se métamorphose en enfant et est recueilli par une vieille villageoise. Dit comme cela, l'affaire paraît limite grotesque... Mais c'est sans connaître Sylvie Germain, son talent de romancière et de poète, et sa façon unique de mêler le mystère à la réalité. A la table des hommes se situe au mitan du conte et du récit réaliste pour empoigner avec audace le thème de l'étroite parenté entre l'animal et l'homme, dont quelques-uns, plus proche de la nature que d'autres, se souviennent. Encore un récit d'apprentissage donc, pour interroger les notions d'humain et d'inhumain dans toutes leurs acceptions. Et si Le garçon de Marcus Malte n'a pas de prénom, dans A la table des hommes on l'appelle Babel, car découvrir l'humanité c'est aussi se familiariser et s'emparer du langage.
Certes roman perd un peu de sa magie dans sa seconde partie, lorsque Babel devient peu à peu un homme dénaturé presque comme les autres, mais il est magnifique dans sa première moitié. L'écriture de Sylvie Germain, charnelle et sensuelle, parvient de manière étonnante mais évidente à mêler trivialité et magie, réalisme et onirisme et à immerger le lecteur dans un monde où règne animal et règne humain communiquent étroitement. On a tous quelque chose de bestial, on l'avait oublié, Sylvie Germain nous le rappelle, et ça fait du bien.
Ed du Seuil, 2016