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Je lis au lit
13 février 2013

Une femme aimée de Andreï Makine

une-femme

Un livre au style trop classique, académique, qui ne m'a pas accroché vraiment, même si sur la longueur, surtout dans la dernière partie, j'y ai trouvé de belles choses. Pourtant le sujet m'attirait vraiment je vous assure, il s'agit là d'une rêverie sur un personnage historique, une femme hors du commun, au destin exceptionnel, Catherine de Russie, despote éclairé qui a régné sur cet immense pays durant le XVIII° siècle, période que j'adore. 

Une rêverie oui, car Makine, ne prétend faire là une biographie, non non, il brode plutôt autour du personnage, il tourne et retourne autour de cette femme qui fascine son héros, Oleg, un russe d'origine allemande qui écrit un scénario sur elle. Le roman nous balade alors entre le XVIII° siècle et la Russie contemporaine, du siècle des lumières au communisme des années 70, puis avance dans le temps jusqu'à l'ouverture des frontières et le capitalisme. Comment appréhender un personnage tel que Catherine de Russie autrement que par les faits et les dates que nous rapportent les historiens, comment saisir l'intimité d'une telle femme, son identité, être au plus près de ses sentiments et de sa personne, briser les images toutes faites ? Ces questions parcourent le texte, tourmentent le héros Oleg et sont ma foi intéressantes, disons qu'elles m'intéressent moi car le personnage en question est fascinant.
A une époque où seuls les hommes possédaient le pouvoir officiel en France, voilà une femme qui règne sur une contrée démesurée, qui mène des réformes en avance sur son temps, qui fonde des écoles pour les serfs et affranchit leurs enfants lorsqu'ils sont scolarisés, qui se passionne pour notre cher pays, qui reçoit Diderot dans son salon et échange un courrier suivi avec Voltaire. Une femme ogresse aussi, qui va d'un amant à l'autre, faisant tester auparavant leur virilité par une suivante dans son hamman... Et pourtant une femme seule, qui n'a connu l'amour apparemment qu'une fois dans sa vie, avec un jeune homme mort trop vite... A partir de cet amour, Oleg imagine alors l'envers du décor dans l'existence de la grande dame : le désir d'échapper parfois à son destin, l'envie de disparaitre, de voyager, d'aller jusqu'en Italie et de vivre pleinement la passion amoureuse. 

Dit comme cela le sujet parait séduisant, oui. Les incursions dans la Russie de notre temps, de l'époque où la censure régnait et où il fallait présenter ses projets artistiques et cinématographiques à une commission socialiste, en passant par l'ouverture du pays et l'économie de marché, rythment le roman, lui ajoutent une dimension picaresque et soulignent combien le sens de l'Histoire est dérisoire. Ainsi le film de Oleg tourné sous le communisme, grandiloquent et ampoulé, devient, 20 ans plus tard, une série olé olé ridicule farcie d'incohérences, où Catherine apparaît sous les traits d'une star du porno...

Alors quoi? Tout cela aurait pu donner un très bon livre... Oui mais voilà l'écriture ne suit pas, le style reste trop classique je l'ai dit, parfois ampoulé, manque d'audace et de trouvailles. Ainsi pourquoi se servir dix fois par pages des points d'exclamations ou des points de suspension pour exprimer tout et n'importe quoi? Et surtout d'ailleurs n'importe quoi car la plupart du temps les points en question n'ont pas lieu d'être et tout tombe à l'eau... Cela devient un tic stylistique vraiment énervant qui ne parvient pas à masquer l'incapacité de l'écrivain à exprimer avec des mots et des phrases l'audace, la surprise, l'étonnement, la révolte... que sais-je... De plus la narration s'avère alambiquée, tortueuse, passe du coq à l'âne, sans virtuosité aucune. Je me suis perdue dans le texte, entre les paragraphes qui s'articulent mal, le tout donne l'impression d'une sauce mal liée, trop rapidement touillée...

Et pourtant, j'ai trouvé dans Une femme aimée un certain charme au fil des pages, ce qui m'a permis d'achever ma lecture. Makine, russe à fond lui- même dans l'âme, allemand peut-être par ses origines (là j'extrapole mais son héros l'est en tout cas) nous fait sentir la déchirure de ceux qui portent en eux le destin de deux pays souvent ennemis par le passé. Il sait aussi nous embarquer dans sa rêverie autour de Catherine (ou peut-être est-ce moi qui rêvait avant et qui projette dans cette femme des songes tout personnels?) et réussit à tisser dans le roman des motifs, qui, revenant sans cesse, font résonner au fil de l'ensemble une petite musique, un leitmotiv entêtant :  où peut-on trouver sa place, que l'on soit tsarine ou simple femme, que l'on vive ailleurs ou ici, au XVIII° siècle ou aujourd'hui, qu'est-ce que l'identité, les identités plutôt qui nous composent ?

Ed. du Seuil, 2013

 

 

 

 

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