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Je lis au lit
14 novembre 2012

D'excellents voisins de Saskia Noort

noort

D'excellents voisins est un roman à la fois divertissant et profond, haletant malgré une chute attendue, et pour cause puisqu'on la connaît dès le début. Tout commence par la découverte d' un bain de sang et le récit avance tranquillement vers cette scène ultime au fil d'une narration assez bien maitrisée. Deux couples des pays-bas viennent de déménager dans un lotissement bon chic bon genre et ils sympathisent alors que tout semblent les séparer à priori, l'un étant du genre plutôt cool et libéré, sexe, extasy et fumette, l'autre coincé et sur les nerfs, abstinence, sobriété et morosité. Toutefois Rébecca et Steef parviennent à persuader Peter et Eva, dont la relation bat de l'aile, traumatisés par la mort récente de leur bébé, de s'éclater davantage dans leur vie sexuelle en pratiquant avec eux l'échangisme, tout roule à priori, vive la déconne, on marche à fond avec eux.
Mais, et c'est là que le l'histoire devient complexe et intéressante, le petit jeu émoustillant ne s'avère pas si lisse que cela. Car chacun garde au fond du coeur ses espoirs, ses rancoeurs, son histoire personnelle. Eva ne se remet pas de son deuil récent, elle n'a qu'une envie, avoir un autre enfant et la partie de jambes en l'air qui s'annonce est pour elle l'occasion de retomber enceinte... peu importe le père, vous saisissez, d'autant plus que Steef lui plait beaucoup... Les deux femmes manigancent entre elles et signent de concert un pacte secret... à l'insu de leurs compagnons respectifs. Quand à  Peter, il n'est pas vraiment séduit par l'affaire malgré le sex-appeal de Rébecca, mais se laisse convaincre par sa femme pour lui faire plaisir, pour ne pas la perdre un peu plus. En fait il l'a déjà perdue depuis un moment, il nage à contre courant, et cette soirée va servir d'explosif pour consacrer la fin de son couple.
Toute la première partie du roman m'a vraiment tenue en haleine, l'alternance des chapitres donnant tour à tour le point de vue de Eva puis de Peter permet de saisir la complexité des rapports entre les deux personnages, leur éloignement respectif, leur solitude et leur souffrance. Ces deux êtres ne se comprennent plus, sont épuisés par le malheur, ils se raccrochent l'un à l'autre mais s'étouffent sans réaliser qu'ils devraient se donner un peu d'air. Le lecteur attend avec eux la scène d'échangisme, comme on attend je ne sais pas moi, son premier concert de rock à 15 ans, malheureusement, une fois the fameuse scène passée, et fort bien menée ma foi du point de vue de l'écriture, le récit s'étiole un peu, tout devient un peu plus convenu. Peter pète peu à peu les plombs et on devine trop vite comment la suite va s'enclancher. Les ficelles de l'intrigue deviennent trop apparentes, l'auteur essaye pourtant de brouiller les pistes, de nous égarer en faisant croire que Steef est le meurtrier idéal, border line et dangereux, pour ménager la surprise finale.... mais on n'y croit guère.
Bon ce n'est pas grave car malgré ces petits cafouillages de scénario, le roman vaut surtout par la peinture sociologique d'une certaine middle-class européenne, et par l'analyse psychologique de tout ce petit monde. En cela, Saskia Noort rappelle un peu Laura Kasischke, toutes deux montrent dans leurs textes comment le quotidien peut rapidement s'enrayer et se fissurer dans une existence paraissant au départ très banale, et elles exploitent toutes deux le thème de la sexualité comme moteur d'une intrigue, elles partagent le goût d'une certaine perversité doucâtre. Toutefois l''américaine procède davantage par petites touches, privilégie dans ses récits l'atmosphère et le climat, l'indicible, la lente glissée vers l'horreur alors que l'européenne se cantonne plus dans le genre du thriller, d'une manière plus classique, à vous de choisir. 

Ed. Denoël, 2011

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