Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Je lis au lit
15 avril 2013

Retour à Reims de Didier Eribon

images (1)

Un essai de sociologie qui n'est pas une pure étude théorique puisqu'il s'appuie sur l'expérience personnelle de l'auteur, un texte autobiographique qui sort du cadre réducteur du récit de vie puisqu'il s'autorise réflexions et digressions plus générales sur les classes sociales, le vote, l'école... Retour à Reims est tout cela à la fois et il est surtout époustouflant d'émotion et d'intelligence. J'ai beaucoup aimé ce livre, oui, car les réflexions sur la conscience de classes, sur les déterminismes sociaux, ne sont jamais exposées de manière théorique et abstraite, elles sont toujours très incarnées, issues de ce qu'a vécu l'auteur, au plus près. 


Tout commence par la mort du père, père détesté et haï au point que l'auteur n'assiste pas à ses funérailles : ce décès rend possible le retour de l'auteur dans sa ville d'origine et les retrouvailles avec sa mère. S'enclanche alors pour Eric Eribon une longue réflexion, une regard rétrospectif sur son parcours personnel, intime et professionnel.
Lorsqu'on quitte son milieu d'origine, lorsque le fuir s'avère une question de survie, comment "se reformule-t-on" et se "recrée-t-on", selon les propos de l'auteur, telle est la question centrale du livre. Et sa réponse, ou peut-être est-ce la réponse personnelle que j'ai voulu trouver dans son texte, est simple : quand on se sent un étranger chez soi, quand on n'y trouve plus sa place, on devient soi-même en se rebellant, on se construit en résistant. On n'a pas le choix, pour se trouver il faut partir.


Reims, pour Eric Eribon, c'est "la ville de l'insulte", le lieu où il découvre adolescent son homosexualité, commence à la vivre, et dans un même mouvement, est confronté à l'hostilité et la brutalité, à la violence verbale et physique de ceux qui ne supportent pas que l'on sorte de ce qu'ils ont érigé en norme sexuelle. Le dernier chapitre du livre creuse ce thème et c'est effrayant. 

Mais Reims, c'est aussi la ville des origines sociales de l'auteur, à savoir le milieu populaire ouvrier, qu'il a quitté très vite pour faire des études à Paris. Et la mort du père fait prendre conscience au fils, lorsqu'il accepte enfin de remettre les pieds chez lui, et aussi lorsque la parole de la mère se libère, que son identité n'est pas seulement fondée sur l'homosexualité, mais aussi sur la séparation avec son monde initial, sur le "malaise produit par l'appartenance à deux mondes différents, séparés l'un de l'autre par tant de distance qu'ils paraissent inconciliables".  


J'aimerais alors gommer cette souffrance diffuse, cette douleur qui persiste en soi lorsqu'on sait que "ce à quoi on a voulu s'arracher continue d'être partie intégrante de ce que l'on est". Et me dire qu'appartenir à deux mondes, qu'être en exil, ce n'est pas forcément un malheur mais une chance, un supplément d'être.

Ed. Flammarion, collection Champs essais, 2009

Publicité
Publicité
Commentaires
E
J'ai aussi été très touchée par ce livre. Tout y est très juste et cela m'a aussi beaucoup ému.
Répondre
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
Et aussi sur Facebook

fbook

Publicité