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Je lis au lit
6 avril 2017

Marlène de Philippe Djian

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Oh Marlène les coeurs saignent et s'accrochent en haut de tes bas... 

Il y avait un grand ciel et l'heure qu'ils avaient passée ensemble lui avait plu. Il n'avait pas encore d'expérience sur le long terme, mais il dormait mieux, ça lui faisait du bien de baiser avec elle. Ils avaient plus ou moins décidé de garder ça pour eux, en attendant de voir, personne n'avait besoin de savoir et cette semi-clandestinité allait à Dan comme un gant. Pas d'engagement. Pas de simagrées. Pas de flottement. 

Voici le nouveau roman annuel de Philippe Djian, et comme tous les précédents, je ne peux m'empêcher de le lire... Faut croire que le choc  de 37°2 le matin il y a ... m'a rendue inconditionnelle. Pourtant faut bien le dire, c'est une fois sur deux décevant, le dernier livre de Djian qui m'a emballée, c'est Oh... en 2012. 

La Marlène de Philippe n'est pas allemande, elle n'a rien d'une femme fatale, en tout cas au début du livre. Elle déboule sans prévenir dans la vie de quatre personnages, Dan et Richard, deux anciens soldats revenus d'Afghanistan, Nath, la femme de ce dernier et la jeune Mona, fille de Nath et Richard. Au passage, elle va tout chambouler, allumer la mèche, faire tout exploser, surtout dans l'existence bien rangée de Dan, qui tente comme il peut après les traumatismes de la guerre de se reconstruire une existence à peu près supportable à coups de médocs, de rituels frisant les Tocs et d'exercice physique.

Cette Marlène, on ne sait pas grand-chose d'elle, sauf qu'elle pas mal baroudé, qu'elle s'évanouit à tout bout de champ, qu'elle est enceinte de deux mois, et qu'elle est décrite comme une véritable catastrophe ambulante par sa soeur. Au fil de dialogues assez bien menés, de faits et gestes débarrassés de toute psychologie, on découvre peu à peu cette femme du point de vue de Dan, et on sent venir ce qu'on peut appeler, n'ayons pas peur des mots, une histoire d'amour. Insensiblement, Djian parvient à rendre cette rencontre touchante et même essentielle, Marlène semble bien être celle qui fallait à Dan, elle réussit à l'apprivoiser sans l'effrayer. Car il y a beaucoup de mélancolie et de tristesse dans ces pages, les deux personnages masculins sont fracassés par leur passé, les femmes tentent de les accompagner au mieux et de les supporter, et Mona,  jeune adolescente, ne respire pas la joie de vivre loin s'en faut. Le désir, l'affection et l'espoir incarnés par Marlène sont donc  les bienvenus dans cette ambiance plombée, je ne vous en dirai pas plus.

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Ajoutez à ce fil rouge  un zeste d'action façon polar concernant les activités louches de Richard et beaucoup de noirceur carrément tragique,   ... et vous obtenez ma foi un bon Djian cette année. L'écriture y fait beaucoup, évidemment. Moins "je cherche à innover coûte que coûte, à faire mon petit malin et à me planter par la même occasion", travaillant davantage la simplicité - qui frise au laconisme certes parfois -, très rythmé dans les dialogues qui rendent bien la parole de tous les jours parfois cocasse quand on passe du coq à l'âne, le style sert ici joliment l'histoire racontée. Djian travaille aussi l'art de l'ellipse et du collage, de manière cinématographique, passant d'un personnage à l'autre, d'une situation à l'autre, changeant de lieu et de moment au fil de la narration qui avance ainsi très vite, s'emballe, ou au contraire ralentit et prend le temps d'un arrêt sur image, d'un dialogue et d'une scène en plan séquence.  Enfin, le petit jeu consistant à intituler chaque passage d'un mot -clé?- que l'on retrouve dans ce même passage, pourrait paraitre un chouillat exercice d'écriture mais cela passe bien je trouve. Pas plus artificiel que de découper un roman en chapitre numéroté ou titré. Et d'ailleurs ne serait-ce pas un clin d'oeil aux ateliers d'écriture que mène Djian chez Gallimard... En tout cas cela donne envie d'écrire. 

Moins drôle et impertinent que Oh..., plus profond et tragique, l'air de pas y toucher, Marlène laisse un goût de catastrophe dans la bouche. On a frôlé la joie, et voilà qu'elle s'enfuit. Chienne de vie. Djian cette fois a fait mouche et a réussi cette fois à me reconquérir.

Ed Gallimard, 2017. 
 

 

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