Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson
Promis si j'en réchappe, je parcours la France à pied, se jure Sylvain Tesson sur son lit d'hôpital, après sa chute d'un toit où, légèrement imbibé de boisson, il se croyait à tort le roi du monde en faisant le guignol. Un an après, à peu près réparé, colonne vertébrale cloutée et visage de travers, le voici sur les sentiers, pas n'importe lesquels, ceux qui, oubliés et mal entretenus, traversent les départements les plus ruraux de France, ces coins dont on dit qu'ils sont enclavés.... Haute-Provence, Aveyron, Haute-Loire et bien sûr cette chère Lozère. Adieu la Sibérie, la Mongolie, le Tibet, et toutes ces destinations lointaines, Sylvain Tesson rétrécit son champ de vision, baisse ses ambitions, mais vu qu'il a cotoyé de près la mort, arpenter ces chemins noirs, à raison quand même de 20 à 40 kilomètres par jour, ressemble bel et bien à une renaissance physique et morale.
L'affaire ressemblerait à un journal de voyage ou plutôt de randonnée de plus, essaimée de réflexions sur la France d'aujourd'hui,et de rencontres sympathiques ou pas, de pensées plus ou moins profondes sur l'existence. C'est compter sans le sens de l'humour indéniable du gars, et de la plume qui va avec. Un genre de Stevenson sans son âne quoi... très fort lui aussi pour épingler les travers de notre époque, pour peindre en quelques phrases un paysage ou rendre compte d'une conversation incongrue.
Le tout est ma foi très agréable, on y apprend pas mal de choses mine de rien, sans avoir l'impression que l'auteur nous fait la leçon... Et puis, masqué par un sérieux sens de l'auto-dérision, Sur les chemins noirs dresse le portrait d'un homme intelligent et drôle, fragile et courageux.
Ed Gallimard, 2016.