Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Je lis au lit
13 décembre 2016

La splendeur dans l'herbe de Patrick Lapeyre

 

20161213_185354[1]

Plus tard, quand il serait désoeuvré, songea-t-il, il aurait tout le temps de regretter les moments dont il n'avait su profiter et de rejouer les scènes qu'il avait ratées.  Il pourrait même en réécrire les dialogues... Car leur vie ensemble avait été en fin de compte une longue conversation, continuellement recommencée, jusqu'à ce que l'un d'eux manque à l'appel, et que l'autre -lui, en l'occurrence- se retrouve seul, lesté de tout ce qu'il n'avait pas réussi à lui dire.

Un roman délicieux, faussement léger, qui l'air de ne pas y toucher, surfe sur la vague de sentiments douloureux : la souffrance d'être abandonné et le désamour, la difficulté d'y croire encore quand on a été déçu, la paralysie qui englue lorsqu'il s'agit de se lancer dans une nouvelle histoire. Homer, la quarantaine, et Sybil, se rencontrent parce que leur compagne et compagnons respectifs, c'est bête, se sont carapatés ensemble en Italie. Ils se mettent à passer du temps ensemble, d'abord pour  parler de leur vie passée et évoquer ceux qui les ont abandonnés, puis, de fil en aiguille, cette curieuse relation évolue vers une tendre amitié, puis vers un amour tout ce qu'il y a de plus platonique. Car de là à franchir le pas et à se lancer dans la fougue du désir il y a tout un roman, c'est qui fait d'ailleurs le charme un peu désuet de ce livre, récit d'une longue drague polie et maladroite, danse lente, hésitante et sans cesse reportée vers le corps de l'autre. 
Homer est un personnage blessé par la vie, un peu timide, indécis, un grand échalas dont au fil des chapitres nous découvrons le passé d'enfant couvé par une mère fantasque. Nous cheminons avec lui dans la redécouverte du sentiment amoureux, c'est de son point de vue que nous vivons cette histoire et que nous voyons cette généreuse et belle Sybil, apaisante et aux vertus tranquillisantes, lui qui a toujours besoin d'être rassuré. Pas fade pour autant, non, mais malicieuse et intelligente, et l'air de ne pas y toucher, elle semble n'en penser pas moins,  apprivoise peu à peu, sans geste brusque ni précipitation cet homme secret. 
L'écriture de Baptiste Lapeyre joue elle-aussi sur du velours et accompagne cette histoire à petit pas, sans aucune grandiloquence ni effets inutiles, par petites touches parfois drôles, parfois bouleversantes, tout en retenue. C'est super agréable, léger et profond à la fois. Il est bon de se dire avec l'auteur qu'il n'est pas indispensable d'en faire des tonnes dès qu'il s'agit de parler de chagrins d'amour, et que tout peut recommencer. Qu'il faut laisser monter le désir, savoir le goûter, le vivre sans se presser.

Ed. POL, 2016

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
Et aussi sur Facebook

fbook

Publicité