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Je lis au lit
2 novembre 2016

Continuer de Laurent Mauvignier

 

 

20161201_153451[1]Parce qu'il voudrait leur dire comment il a déjà rêvé qu'il les tuait, ses parents, qu'un jour il leur collait à l'un et à l'autre une balle dans le front (...) Ce qui était important, en revanche, c'était d'entendre la déflagration dans son cerveau, , de voir leurs corps inertes, de les voir pétrifiés dans une pose ridicule et tellement surprise, incrédule, scandalisée aussi, une pose où dans les yeux ils auraient le temps de dire quelque chose d'aussi con qu'un oh et de s'effondrer en laissant le silence gagner au moins une fois sur eux  sur lui, sur eux tous, pour que la vie de Samuel s'échappe enfin de cette place à laquelle  il se sentait condamné et pris au piège, assigné à résidence : entre eux.

Laurent Mauvignier revient aux thèmes de ses premiers textes, ceux qui concernent la cellule familiale, l'incommunicabilité entre les parents et les enfants, le sentiment de n'avoir rien en commun alors que l'on vit ensemble depuis toujours. Sybille élève seule son fils Samuel de 15 ans, qui part en roue libre. Ceux qui ont un ado chez eux comprendront ce sentiment de désarroi lorsqu'on se retrouve face à un grand dadais mutique branché 24h sur 24h sur son smarphone et affalé sur le canapé alors que tout juste la veille on rigolait avec un enfant complice et facétieux... Qu'est-ce qui a grippé, qu'est-ce qui s'est enrayé? Sybille se remet en question, reconsidère sa vie, car elle aussi part en vrille, n'est ni heureuse ni satisfaite du cours de son existence...  Après une soirée qui tourne mal et où il faut aller  chercher Samuel à la gendarmerie, Sybille décide de reprendre leur vie en main et de partir au Kirghizistan (regardez sur une carte, je ne sais pas vraiment où c'est) pour un treck à cheval qui va durer plusieurs mois. C'est ça ou le pensionnat suggéré par le père, personnage assez lourd et antipathique.

L'horizon géographique s'élargit alors sur des paysages inconnus, espoir d'une respiration nouvelle et plus large, vivifiante, entre la mère et le fils qui vont devoir s'apprivoiser et peut-être se retrouver.  Mais le chemin est long, périlleux, pas d'autre choix que de continuer ensemble vers le point d'arrivée. Evidemment l'aventure métaphorise aussi le cheminement intérieur des personnages, les difficultés à avancer de pair alors que l'on est irrémédiablement liés par le lien filial.

Très visuel, cinématographique presque, ce texte est un road-movie à l'écriture fluide... Mauvignier a beaucoup épuré et simplifié son style depuis les débuts et le phrasé si singulier de ses premiers textes, à la syntaxe déconstruite et reconstruite,  demandant  à être apprivoisée par le lecteur a presque disparu au profit d'une prose moins déconcertante, plus "facile", moins déroutante. Pour ma part, je préférais l'écriture torturée de Loin d'eux, de Seuls ou encore d'Apprendre à finir, qu'on retrouve encore ça et là, au détour d'un paragraphe dans Continuer.

Au final un beau texte, à la fois roman d'aventure et roman familial, parsemés de moments empreints de grâce et de beauté aussi pour dire la confiance en la vie. Un Mauvignier plus apaisé.

Ed de Minuit, 2016

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