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Je lis au lit
24 février 2016

Eva de Simon Liberati

20160225_213808Eva ou de la difficulté d'aimer ET  d'écrire.

A sa sortie en septembre 2015, voir sur toutes les couvertures de magazines le couple Eva Ionesco et Simon Liberati prendre la pause comme dans une publicité people pour de The Kooples me décourageait à l'avance d'ouvrir le bouquin. Cela me semblait déplacé, prétentieux, et très kitsch. Pour vendre un livre faut-il vendre aussi son image et jouer les acteurs glamour?  Ceci dit la photo noir et blanc de la jeune Eva en couverture du roman est vraiment belle et illustre à merveille le texte. Alors, alors... comme j'avais lu
Jayne Mansfield 1967 qui ma foi n'était pas écrit avec les deux mains gauches, et comme j'avais aussi parcouru beaucoup de critiques élogieuses sur le bouquin... donc Flo ne sois pas obtuse et têtue, ouvre Eva, le livre hein, et vérifie par toi-même ce qu'il en est. J'y suis donc venue, j'ai lu, j'ai été déçue. Ou si le livre ne m'a pas déplu, je n'ai pas été vraiment convaincue.

Eva donc se présente comme un éloge à Eva, un hommage à Eva, Eva miraculeusement rencontrée à un âge où Liberati, nous dit-il, croyait en avoir fini avec le couple et l'amour qui dure, aaah Eva, Eva, Eva. Mais, et là je suis sérieuse, superbe projet littéraire que de consacrer un livre à sa compagne, projet casse-gueule certes, mais qui, s'il est réussi, peut côtoyer le sublime. Projet qui sous-entend aussi abandon et confiance de la part de celle qui devient le motif central du livre, sa matière, son point de départ et sa finalité. Car la relation de l'auteur à Eva est trouble, faite d'une fascination un brin malsaine, fascination pour son passé glauque et décadent, à laquelle se mêle admiration et vénération. La part sombre d'Eva il faut aller la chercher dans la petite fille grandie trop vite, la poupée trash hyper maquillée et femme-enfant des photos érotiques que vendait sa mère, dans l'adolescente border line livrée à elle-même dans le Paris des boites de nuit branchées des années 80, dans la jeune femme droguée et alcoolisée. Le parcours d'Eva, de l' enfance gâchée à la haine pour la mère, de l'oubli de soi à la reconquête de soi... le récit s'empare de cette l'existence réelle et fantasmée, tout en y entremêlant la rencontre récente et le présent de l'histoire d'amour. Liberati renoue là avec ce qui l'a toujours fasciné, la beauté trouble de la jeunesse salie, la chute de l'ange dévoyé par son milieu et son entourage.

Et puis, évidemment, il ne s'agit pas que d'Eva dans ce livre. Car le modèle s'avère aussi un double du peintre. Eva est la soeur, la compagne et le guide de Liberati, celle qui lui tend un miroir, et qui va le sauver de lui-même, de ses addictions peut-être, de sa mauvaise vie, surtout de son ennui profond et de la vacuité de son existence. L'amour comme réenchantement, comme élan de vie et de création, et de cela je ne doute pas de Liberati, disons que je veux y croire, car cet amour a l'air absolu et passionnel, car il arrive à point nommé dans une existence dévastée. En Eva, muse et sujet d'écriture, Liberati trouve une raison de vivre et d'écrire.

Jusque là que du bon, une rencontre salvatrice, le désir, l'inspiration. Et durant le premier tiers du livre, l'écriture de Liberati m'a bluffée. Il y a là des pages magnifiques, à tomber, pour dire la sidération de la rencontre, la sensualité et l'envie. L'écriture tient souvent la route, nul doute Liberati est un écrivain et un bon lorsqu'il le veut. La scène du dîner au cours duquel tout bascule et se décide m'a ainsi scotchée, du grand art pour dire l'attirance physique, ces moments intenses et uniques, et arrêter sur image ce regard féminin "à l'odeur d'écume marine".

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Alors quoi? Qu'est-ce qui ne fonctionne pas sur la longueur? La longueur justement, car ces passages sublimes sont noyés dans un ensemble qui peu à peu m'a ennuyée, au fil de ma lecture je me suis désolidarisé du texte, comme tenue à distance par une écriture qui se boursoufle, bien souvent prétentieuse, alambiquée et nombriliste. Propos et style deviennent  surfaits, ridicules. A sa décharge, Liberati serait-il trop impliqué dans cette histoire, son histoire et pas seulement celle d'Eva, pas assez de recul ? Dommage, le projet était beau, mais au final le livre s'avère un paquet mal ficelé. Aimer ou écrire, telle est la question?

Ed Stock, 2015

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