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Je lis au lit
12 janvier 2015

Joseph de Marie-Hélène Lafon

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Sous la bannière de Gustave Flaubert, dont elle connait par coeur des passages d'Un coeur simple, Marie-Hélène Lafon centre son dernier récit autour de Joseph, un  ouvrier agricole du Cantal, région où se déroule la plupart de ses livres. Une existence "simple", fataliste, mutique, se déroule et se dévoile peu à peu au fil du livre, une vie faite de travail, rythmée par les soins donnés aux vaches et les travaux des champs, travaillée aussi souterrainement par des drames. Une existence faite de solitude aussi, en marge, sans famille ni amis véritables. Chaque séparation, avec les parents, avec la mère, avec une femme, plonge Joseph davantage dans le mutisme, le renfermement, dans l'alcool aussi, dans lequel il se noit jusqu'aux limites de l'anéantissement et de la perte de lui-même, et dont il se sortira par une dernière cure de désintoxication. Joseph incarne l'effacement, le retrait, le silence : aux côtés de ses patrons, dans la ferme desquels il loge et vit, il occupe sa place à sa manière taiseuse, il pense mais ne partage pas. Il est aussi une figure du dénuement : il ne possède rien, sa chambre est vide, quelques affaires de rechange c'est tout. L'argent qu'il gagne est sur un compte en prévision de la maison de retraite, où il "se finira" lorsqu'il ne travaillera plus... 
Pour l'écrivain, Joseph sert aussi de regard, de point de vue par lequel le monde environnant est perçu. A travers ses yeux c'est tout un monde rural, très ancré dans une région bien précise, là-bas vers Murat, Allanche et Saint-Saturnin, ce sont des gens, petits ou gros paysans, patrons ou ouvriers, qui prennent vie. Joseph est attentif aux détails qui font sens, aux manières des gens, il les sent, comme une bête connait ses maîtres ou un étranger, comme un chien, par un sixième sens, sait si celui qui vient vers lui le caressera ou le battra. Il observe sans juger, il retient tout, les noms, les dates, les lieux, il enregistre tout. 

Marie-Hélène Lafon connait bien le monde dont elle parle ici, elle en est issue, et le point de vue neutre, tranquille, de son personnage lui permet à nouveau, comme dans la plupart de ses livres, de donner à voir et à penser ce coin du massif central, de le peindre et de lui donner vie. Depardon et ses Profils paysans ne sont pas loin... C'est juste, pudique, vrai et souvent bouleversant.

Ed Buchet Chastel, 2014

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