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Je lis au lit
9 novembre 2014

Retour à Béziers de Didier Daeninckx

retourbeziers

Zemmour est venu récemment se pavaner à Béziers, dans l'Hérault, ville FN dirigée par Ménard, et il a fait, paraît-il salle comble pour vendre son torchon. OK. Il a même vendu beaucoup, beaucoup de ce torchon...sous la bénédicition de la libraire de la ville, et pour le bonheur de son porte-monnaie, soit dit en passant....
Je ne sais si Daeninckx rassemblera autant de monde quand il viendra dans le coin. Mais au moins je suis sûre qu'il aura une parole digne et intelligente. 
Retour à Béziers est un hommage discret à Retour à Reims de Didier Eribon, ou à Retour à Yvetot de Annie Ernaux, auteurs qui à leur manière, jettent un regard à la fois très intime et sociologique sur une ville qu'ils ont quittée depuis longtemps. Ici Daeninckx choisit la forme romanesque pour évoquer une ville à la dérive, divisée, rongée par le chomage et la pauvreté. Houria, à la retraite, revient vivre à Béziers où elle a passé son enfance, après avoir fait sa vie à Paris. Elle a le souvenir d'une jolie cité méridionale, s'épanouissant en bord de l'Orb, entourée de vignes, vivante et commerçante. Le retour s'avère amer... d'autant plus qu'elle arrive en pleine période d'élections municipales...  effets du chomage, racisme, exaspération et tensions se font d'autant plus sentir que les candidats à la mairie sentent le vent tourner, exploitent à mort ce climat difficile.
A travers les yeux de Houria, Daeninckx développe le thème de la faillite économique et culturelle de Béziers. Ces rues et avenues jadis animées sont aujourd'hui un désert, les magasins ferment les uns après les autres, n'allez pas vous y promener un matin de jour de semaine en hiver, la déprime est garantie... Seul le polygone construit à côté de la gare permet de faire du shopping ou d'aller au cinéma, et les vigiles en gardent toutes les portes... 
Le récit s'applique à rester fidèle à la réalité, et va avec le personnage principal à la rencontre de ceux qui habitent encore la ville. Les divers personnages croisés par Houria personnifient ainsi le désarroi et le désenchantement face aux politiciens qui n'ont en vue que le pouvoir, la peur face à la délinquance omniprésente, la révolte face la pauvreté et le chômage, la capitulation face au racisme. Loin de juger, Daeninckx,  avec les armes qui sont les siennes, celles du romancier, veut donner à comprendre et à écouter aussi. Car Houria, qui ne connait plus personne à Béziers, cause avec tout un tas de gens qui se confient à elle, qui lui donnent leur vision des choses. Des gens désemparés le plus souvent face aux clivages sociaux, la misère et la violence. Pour exemple, l'histoire du gardien d'origine arade de ce jardin public, qui harcelé par ses collègues, a fini par se suicider après avoir tué femme et enfants...terrible.

Un récit courageux donc, un roman qui prend le réel comme champ d'investigation pour aborder les raisons du vote FN, ce vote qui fait à la fois peur et met en colère, à deux doigts des élections présidentielles... Courageux aussi car ce roman donne à réfléchir, tente de saisir sans polémique inutile ni gros sabots pourquoi la ville a basculé vers l'extrême droite, et fait émerger la parole de ceux qui y vivent au jour le jour.
Un récit explicite et juste à la fois dans sa forme et son écriture pour peindre l'état d'une certaine France au bord de l'implosion. Et pour montrer qu'il reste des gens en France qui réagissent, tentent de se battre, de comprendre, bref qui pensent qu'il existe autre chose que la parole bête et méchante de ... Zemmour!

Ed Verdier, 2014

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