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Je lis au lit
21 septembre 2014

La condition pavillonnaire de Sophie Divry

 

téléchargement (7)

Un titre accrocheur et séduisant, dans une édition qui sort un peu des sentiers battus... Un roman ambitieux aussi puisqu'il s'agit pour l'auteur de suivre une vie de femme, comme dirait Maupassant, de l'enfance à la mort. Le cadre : une petite ville de Savoie. L'époque : des années 70 à aujourd'hui. L'héroïne : M.A., deux initiales  impersonnelles, pour signaler que cette vie, elle est à la fois singulière et universelle. L'ennui de l'enfance, la vie étudiante parfois exaltante, l'amour et le mariage, le travail, les enfants, l'insatisfaction qui ronge, la fuite dans l'adultère, la consommation, puis la résignation et la mort. Cela fait froid dans le dos, c'est à la fois très banal et métaphysique à la fois.
Beaucoup de références littéraires sans doute ici, qui surgissent en arrière-fond... Emma Bovary bien sûr, ce n'est pas pour rien qu'une citation du roman de Flaubert est placée en exergue d'un chapitre, mais aussi Une vie donc de Maupassant. J'ai pensé aussi à des  livres plus récents, et qui me parlent : La femme gelée d'Annie Ernaux ou encore le magnifique roman La grande Bleue de Nathalie Desmoulin . Comment rendre compte d'une existence sur la longueur, comment transformer le matériau brut du quotidien pour en faire un texte littéraire, comment extraire du fil de cette existence sa quintessence et trouver l'écriture qui convient? A mon avis Sophie Divry n'y a réussi qu'à moitié...

En effet, beaucoup de très beaux passages dans ce livre, à commencer par ce premier chapitre très prometteur... Mais ceux-ci sont trop rares. Les tics d'écriture m'ont même carrément gênée, je pense ainsi à cette bizarre manie de couper les phrases par des points virgules pour isoler et mettre en valeur idées ou expressions clés. Bousculer les règles de la ponctuation, je n'ai rien contre lorsque l'effet produit est justifié. Mais là, franchement, c'est affreux tant au niveau rythmique que syntaxique.
Et puis le roman part dans tous les sens, j'ai eu l'impression que l'auteur ne parvenait pas à trouver son angle d'attaque et hésitait entre plusieurs pistes, tergiversait et piétinait souvent. Ainsi le récit flirte parfois avec l'étude sociologique, et rappelle irrésistiblement Les choses de Georges Perec. Voyez ainsi les passages concernant les objets, qui sont décrits par le menu, dans leur aspect et leur fonction, comme pour un extra-terrestre qui découvrirait notre façon de vivre très matérialiste. Cet aspect du texte m'a laissée perplexe, c'est systématique et lourd. A d'autres moments, Sophie Divry choisit l'angle existentiel, et là c'est davantage réussi.L'ennui, le vide, le caractère vélléitaire de nos vies sont ici passés au tamis, on s'y retrouve tous. On pense alors à Un monde parfait de Laura Kasischke, et à l'existence apparemment lisse et sans histoire de son héroïne...  Mais l'écrivain ne tranche pas, ne juge pas, elle laisse la porte ouverte. Au lecteur de choisir, car la trajectoire qui nous est présentée là en vaut une autre, est-elle réussie ou ratée, on ne saurait le dire...Certes le mariage et la vie normalisée par la société de consommation décrits dans ce roman ne favorisent pas l'épanouissement personnel, s'apparentent à un carcan et étouffe la créativité de M.A. mais une fois tournée la dernière page, en est-on si sûrs?  Davantage que les facteurs extérieurs, familiaux et sociaux, n'est-ce pas le tempérament même de cette femme, n'est-ce pas sa paresse naturelle qui l'entrave et l'englue dans l'ennui? Autrement dit, elle n'a qu'à s'en prendre à elle-même si l'insatisfaction la ronge... A chacun de nous les moyens de trouver les portes de sortie, de dépasser insatisfaction et inquiétude, pour ne pas se sentir assigné à résidence, comme M.A. dans son pavillon. 
Un roman mi-figue mi-raisin donc, hésitant et timide à la fois dans son propos et dans son écriture.

Ed. Notabilia, 2014 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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