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Je lis au lit
5 août 2014

Un bébé d'or pur de Margaret Drabble

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Les années soixante à Londres... Les années du swinging London, de Soho, et de la mini-jupe ... Jess, jeune étudiante en anthropologie, élève seule sa fille Anna, une enfant différente, incapable de suivre une scolarité normale, une enfant que l'on dit en choisissant avec tact ses mots "à besoins spécifiques", "avec un retard mental" ou encore "souffrant de troubles d'apprentissage". En empruntant à un poème de Sylvia Plath l'expression "un bébé d'or pur" pour parler d' Anna, l'auteur prend un virage à 180 degrés pour célébrer la beauté radieuse de la fille de Jess, sa confiance en la vie, sa douceur et sa stabilité. L'amour maternel, voici le sujet central du livre, un amour ici indéfectible, empathique, mystérieux dans sa force et son évidence.
Ce livre c'est aussi le très beau portrait d'une femme libre et courageuse, assumant seule son rôle de mère sans lâcher sa vie personnelle et intellectuelle, sans laisser de côté sa passion première qui est l'anthropologie et l'étude des sociétés primitives. Jess affronte avec détermination "l'accident" majeur de sa vie, aménage son existence, fait des choix, accepte certains renoncements, notamment aux voyages, de manière à s'occuper de sa fille tout en continuant ses études puis ses recherches universitaires. Pas de revendications féministes dans ce texte, ce n'est pas le propos de l'auteur et Jess n'est pas vraiment engagée dans ce mouvement, mais son indépendance d'esprit et d'action, sa liberté sexuelle aussi témoignent d'une autonomie et d'une volonté sans doute rares à cette époque, bien que nous soyons à Londres, dans un milieu intellectuel et ouvert. 

Pour suivre cette histoire, s'échelonnant sur une quarantaine d'années, l'auteur adopte le point de vue d'une amie de Jess, amie qu'elle a sans doute été, et trouve ainsi le moyen narratif et littéraire incluant la juste distance, excluant l'apitoiement personnel, le pathos ou le trop plein d'émotion. J'ai trouvé cela très fort, tenter de raconter la vie de sa meilleure amie, et de cerner ce qui en fait le noeud central, le coeur même... Comme si Jess déplaçait son regard, faisait un pas de côté, pour se livrer à nous, mais avec pudeur, en gardant des zones d'ombres et des points d'interrogations, sans chercher à tout expliquer, en acceptant la teneur parfois hasardeuse, opaque et trouble de l'existence.
Et puis, la narratrice observant les choses à travers ses propres lunettes, le récit ne reste pas figé sur la relation de Jess et d'Anna, il s'enrichit de confidences sur son histoire personnelle, sur son propre parcours et la difficulté de vieillir. Et aussi mis en valeur dans ce livre une manière de vivre basée sur l'entraide et la solidarité, Jess et ses copines formant un groupe stable et sécurisant. Tel un fleuve qui s'élargit, le livre aborde au fil des pages des sujets passionnants : la transmission génétique des handicaps, la manière dont les sociétés primitives considèrent la différence, comment les enfants de certaines tribus africaines s'accommodent avec aisance de certaines malformations,  le rapport de notre société à la folie, aux malades mentaux et aux plus faibles, les méthodes psychiatriques qui ont fluctué selon les courants intellectuels et les modes. 
J'ai découvert là un écrivain plein d'intelligence, anti-conformiste dans l'âme, à la plume tout à la fois analytique et poétique. Margaret, je ne vous connaissais pas, et  j'ai vraiment hâte de découvrir vos autres livres.

Ed.Bourgeois, 2014

 

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Commentaires
E
Quel plaisir j'ai eu à lire ce livre , je te suis vraiment dans ta critique. J'ai aimé la relation apaisée de la mére avec sa fille différente et j'en ai aussi ressenti beaucoup d' apaisement pendant la lecture. Elisabeth
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