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Je lis au lit
5 janvier 2014

Love song de Philippe Djian

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Daniel, la cinquantaine, chanteur en train de travailler à son prochain album, voit rappliquer Rachel, sa femme, qui l'avait largué durant 8 mois pour un de ses musiciens.... et enceinte de surcroit. Il l'aime toujours, la désire passionément, leur relation repart, torride comme jamais. Par un malencontreux concours de circonstances, l'amant malheureux meurt écrasé sous le piano qu'on est en train de livrer à Daniel... ce n'est pas le seul rebondissement abracadabrant du roman... 

Mais l'histoire, le scénario de Love song, au final, oublions-le, la trame du récit, mettons-la de côté. Peu importe les coups de théâtre inattendus et loufoques, les morts qui ressuscitent à bon escient et les vivants qui meurent lorsqu'il faut, les ellipses qui arrangent bien. Djian se moque ici comme d'une guigne de toute vraisemblance, en romancier tout puissant il s'amuse et ne dissimule aucune de ses ficelles. De toute façon l'action, les péripéties dans ce récit, ce n'est pas l'essentiel. Ou peut-être faut-il les considérer justement comme des évènements romanesques purs, de ceux qui arrivent parce que le narrateur et avec lui le romancier les souhaitent... L'amant n'a que ce qu'il mérite par exemple, le fantasme de meurtre se concrétise sur le papier alors que dans la réalité, je vous l'accorde, mourir écrabouillé sous un piano, cela ne se voit pas tous les jours...

Non l'intérêt de Love song est ailleurs...dans les rapports entre les personnages, dans les émotions et les tourments du narrateur, empêtré dans son histoire d'amour acharné pour une femme qui reste du début à la fin opaque, échappant à la fois à son mari et au lecteur. Oui, Djian est ici beaucoup moins drôle que dans son précédent livre Oh. Car l'humour tourne au noir, verse vers la mélancolie. Car Daniel se débat, il subit dans son corps et ses tripes une relation à laquelle il ne peut se soustraire, il encaisse. La passion amoureuse, jusqu'au boutiste, les désillusions, l'espoir tenace sont au coeur de Love song.
Au final, il se dégage de ce roman beaucoup de tristesse derrière son aspect branquignole. Les amis de Daniel sont, au choix, drogués, malades, paralysés, aux portes de la mort. La vie avec sa femme Rachel, rétrospectivement, ressemble à un vaste champ de ruines et oh combien l'amour semble difficile à vivre. Tout, jusqu'à l'environnement, la ville et le lac proche de la maison de Daniel, est gagné par une odeur nauséabonde, vaseuse, tout est contaminé par un pourrissement général. Subsistent alors pour respirer quelques moments arrachés aux turpitudes et à la puanteur, quelques fulgurances, le désir partagé, la quiétude d'une soirée d'été, une respiration, l'amitié qui console.
Encore une fois, l'écriture de Djian,  désinvolte mais efficace, réussit son coup pour fixer l'inconséquence et la fragilité humaine.

 Ed. Gallimard, 2013

 

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