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Je lis au lit
18 mars 2013

Liège, oui de Joanne Anton

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Voici un petit livre drôle et cruel à la fois, où l'auteur porte un regard intelligent et sans concession sur ses déchirures identitaires intimes, un livre sur la difficulté à trouver sa place une fois quitté l'endroit d'où l'on vient et que l'on renâcle à y retourner, même pour de très courts séjours, une fois tous les jamais, et toujours à reculons. Comment assumer ses choix, accepter crânement d'avoir fui sa tribu familiale et sa ville natale, ne plus souffrir et peut-être se réconcilier avec son lieu d'origine et les siens ou en tout cas trouver une façon de les supporter, telles sont les questions posées par ce court récit qui brasse le thème de la culpabilité dans tous les sens. 

 La trame du texte joue sur la répétition d'un motif, celui du voyage qu'effectue par trois fois la narratrice entre Paris et Liège, en Belgique, pour y retrouver sa mère quelques jours. A chaque fois, dès le quai de gare, c'est un fiasco, traité de manière assez drôlatique ma foi, grâce à des dialogues qui font rire mais aussi grincer des dents. Comme l'auteur utilise le tutoiement, le texte prend sans cesse à parti le lecteur, nous embarque dans les situations, fait en sorte que nous soyons concernés. Ainsi, la mère pique là où cela fait mal, elle reproche à sa fille, sans avoir l'air d'y toucher bien sûr,  d'être partie, de l' avoir abandonnée, de ne pas penser suffisamment à elle, de ne pas venir suffisamment la voir, d'avoir peut-être honte des siens... Ou est-ce peut-être la fille qui est trop susceptible, on ne sait, et qui voit dans chaque parole ou presque matière à se torturer... Quoi qu'il en soit, lors du premièr séjour les engueulades dominent, à l'issue du deuxième les non-dit, "cette fausse paix" minent la jeune femme, et durant le troisième, le refus hypocrite d'aborder de vrais sujets la terrasse.
Une fois de retour à Paris, dans son petit studio, la narratrice se promet de plus remettre les pieds à Liège... Liège, non.  En effet, là-bas, impossible d'y être pleinement, "tu comptes les heures imprimées sur ton billet de retour", alors que revenue, tout revient en pleine face, et gâche la joie de retrouver son quotidien. Pour avoir éprouvé la même chose que l'auteur, j'ai vécu à fond ce curieux paradoxe infernal décrit dans ce livre : ne pas être là où il faudrait être quand on y est, et y être quand il faudrait ne plus y être... vous suivez...? 
Joanne Anton est une vraie artiste quand il s'agit de dire sans trop dévoiler, elle a l'art et la manière pour faire comprendre, sans lourdeur, combien le passé est parfois lourd à porter, combien il englue le présent et entrave les relations avec nos proches. J'ai ainsi beaucoup beaucoup aimé l'ébauche de conversation entre la fille et la mère lors du troisième voyage à Liège, conversation un poil en apparence absurde et surréaliste, amorcée à partir des lapins qui se promènent en liberté dans le parc, et qui déclanchent des souvenirs douloureux et inquiètants chez la narratrice... des souvenirs on le comprendra liés à sa relation problématique et douloureuse avec son père.

Heureusement, heureusement, le quatrième séjour sera le bon, celui où l'on peut respirer enfin, en compagnie d'un nouvel amour, cette "rencontre de souffles, où chacun croit posséder une cage thoracique beaucoup plus grande qu'auparavant". Et voici que la narratrice peut enfin porter un regard neuf sur sa ville natale, débarrassé des vieilles peurs et de l'angoisse, délesté du poids du passé, le regard d'une étrangère ou d'une touriste qui verrait pour la première fois Liège. Liège oui! 

Ed. Allia, 2013

 

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Commentaires
D
j adore. j ai quitte liege il y a au moins 20 ans. j ai achete ce livre a paris sans vraiment avoir une idee de l auteur et de l histoire. j y ai retrouve ma ville et mes sentiments partages d exile attache a liege et a ses gens. et tout ca avec un style qui vous donne l impression de lire vos propres souvenirs. genial. une envie, revoir liege tres vite.
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