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Je lis au lit
25 janvier 2013

L'ours de Caroline Lamarche

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Emballée par Carnets d'une soumise de province, tout à mon enthousiasme, je me suis naturellement jetée sur un autre roman de Caroline Lamarche. Et ma foi, c'est encore bien, très bien, même si L'ours reste un cran en dessous de ces fameux Carnets. Là, il s'agit d'un écrivain, une femme, qui décide, pour consacrer toute son énergie et ses forces à son travail, de s'essayer à l'abstinence sexuelle, elle veut faire l'expérience de la chasteté quoi. Elle met sa volonté à l'épreuve en se liant avec une espèce en voie de disparition, un prêtre, tout en manifestant une curiosité sincère pour ce que peut être la vie d'un homme privé de femmes. Le tout s'entrelace avec des souvenirs de vacances à la montagne lorsqu'elle était enfant et des récits de rêves. Bon dit comme ça, cela paraît loufoque ou un peu béni-oui- oui ... 

En fait l'idée de la chasteté comme moteur de l'intrigue romanesque s'avère très intéressante, non seulement c'est une idée originale, mais c'est une idée évidemment très érotique puisque la tentation et le désir couvent et rôdent autour des deux personnages et que la relation entre la narratrice et le prêtre se nourrit de cette tension. Caroline Lamarche est très forte pour exprimer cela, la frustration qui entretient l'envie, la curiosité trouble aussi envers la vie du prêtre, cette existence equi ne connaît pas la sexualité. Comment vit-on la chasteté? Comment réprime-t-on, sublime-t-on ses envies? Jusqu'où le prêtre peut-il résister? Tous ces thèmes après tout peu communs dans les romans d'aujourd'hui, brassent le récit et lui donnent, grâce à l'écriture minimaliste mais aussi imagée de l'auteur, une épaisseur et une grand force, sans jamais se prendre trop au sérieux ou devenir emphatique.
J'ai ainsi particulièrement aimé comment le thème du regard, des choses vues, s'impose dans ce roman. En effet lorsqu'on ne se touche pas on se regarde, le désir passe par les images volées à l'autre, par ce qu'on en perçoit visuellement et qui alimente les fantasmes. L'auteur parvient à dire la violence du désir, cette tentation de toucher le corps interdit qui est là, devant soi, car son écriture sait montrer et décrire par petites touches violentes ce qui fait envie.

Et puis en miroir inversé, il y a les scènes d'enfance, les souvenirs émergeant à la conscience de la narratrice et qui concernent les séjours qu'elles passaient enfant à la montagne, dans un grand refuge, en famille, mais aussi avec le guide de montagne, Blas, qui s'occupait de cette maison accompagné et secondé de sa fille, toute jeune adolescente. On devine au fil du texte quelque chose de malsain, de trouble, et qui à voir avec cet homme dont l'auteur était secrètement amoureuse. Tout cela reste assez énigmatique, j'ai entrevu dans la figure de cet homme le double inverse du prêtre, il est celui qui ne supporte pas la chasteté, il est la figure du monstre, celui qui transgresse le tabou de l'inceste dans sa relation avec sa fille.

Oui curieux livre, léger et profond à la fois, qui avance en pointillés, jouant avec les silences, et offrant de très belles pages sur l'effroi que procure parfois le désir défendu... "Prenez, lisez, voici mon corps."

Ed. Gallimard, 2000

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