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Je lis au lit
2 novembre 2012

Dans la maison de François Ozon

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Impression mitigée après avoir vu le dernier film de Ozon, que j'affectionne particulièrement soit dit en passant, qu'il s'essaye à la veine réaliste et dramatique, comme dans dans Le refuge, ou à la veine plus expérimentale et joueuse, comme dans Huit femmes.
Durant le premier tiers du film tout est drôle, enlevé, bien dialogué, inventif. Je me suis trouvée plouf dans mon élément, le décor ne me changeant guère, un lycée tien comme c'est amusant, mais me permettant d'apprécier d'autant plus la virtuosité des premières scènes, le discours de rentrée du proviseur qui se pique d'innover avec l'obligation de porter un uniforme à l'anglaise pour les élèves cette année puis l'arrivée en accéléré et par petits groupes de ces mêmes élèves dans le hall du lycée. L'intrigue ensuite démarre fort. Un professeur de lettres, Germain, joué par un Fabrice Lucchini très en forme, écrivain raté, prof légèrement aigri, rabachant l'éternel prêchi-prêcha rance des salles des profs "les jeunes aujourd'hui ne pensent qu'à leur mobile et ne foutent rien de leur week-end" trouve pour une fois dans sa classe de seconde un garçon, mignon comme un ange d'ailleurs, qui va lui donner du fil à penser et à fantasmer, via ses copies remises à la façon d'un feuilleton puisque toutes finissent par "à suivre". Le jeune Paul lui confie par écrit comment il est devenu ami avec Charles, un autre garçon de sa classe, et l'aide à faire ses devoirs de maths uniquement pour s'immiscer dans sa maison qui le fait rêver et pour rencontrer ses parents. De fil en aiguille, ou plutôt de copie en copie, l'ado malicieux et manipulateur va tenir en haleine son prof et peu à peu carrément le faire disjoncter, ça commence bien quand le pauvre Germain accepte de piquer le sujet de math prévu par son collègue pour le remettre en douce à Paul... Oui dans cette première partie le film m'a subjuguée, j'étais sous le charme, manipulée comme le professeur en question, à la fois par l'ado, mais aussi par le metteur en scène et par sa caméra. Que va-il se passer? Est-ce que Paul va séduire la jolie mère de Charles? Est-ce qu'il nous raconte des bobards ou écrit-il la vérité?
Car le sujet du film c'est bien ça : le pouvoir des mots, de la littérature, même si elle est maladroite comme celle que produit Paul. La voix off de l'adolescent lit ses textes, et devant nos yeux, se déroulent les scènes racontées, filmées par Ozon dans la fameuse maison, qui ressemblent étrangement à une villa américaine de la middle class sortie tout droit d'un roman de Laura Kaschicke. Les phrases prennent vie, forme, corps et couleurs, voix et lumière. Mais ce qui est raconté, est-ce la réalité, est-ce du pur fantasme, est-ce les pistes possibles de l'histoire explorées par le metteur en scène qui cherche le chemin de son scénario et de son intrigue? Ozon nous rappelle là qu'un film c'est d'abord à la base une histoire écrite à laquelle on va donner vie sur un écran. Et puis ensuite il faut y croire à cette histoire, le film doit nous embarquer, nous faire prendre le faux pour du vrai. C'est ce qu'Ozon nous rappelle aussi dans cette jolie scène où Lucchini et sa femme, incarnée par la sublime et drôle Christin Scott-Thomas, sont au cinéma, dans le noir, et que tout d'un coup, hop la caméra nous place face à la lumière éblouissante de la fenêtre de projection ... nous revoilà alors à nouveau dans la maison avec Paul, Charles et sa famille...comme si le film projeté c'est bien celui que nous regardons aussi.

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Toutefois à la longue le film m'a fatiguée et lassée, malgré les multiples inventions de mise en scène qui ne faiblissent pas. Car tout devient répétitif dans le dispositif. On a compris que parfois c'est sans doute vrai et que parfois non, que l'ensemble joue sur cette ambiguité, que l'ado ment et dit juste en même temps, que le prof se laisse embobiner comme nous nous laissons embarquer. Mais à force l'ensemble manque, comment dire.... d'outrance ou alors, et cela j'aurais aimé, de perversité. Les scènes deviennent lassantes et ennuyeuses comme le sont d'ailleurs les personnages middle-class qu'Ozon veut nous montrer. Il aurait fallu carrément forcer le trait pour que ceux-ci soient clairement des individus de carton pâte dont on se moque vraiment, de véritables caricatures, à la façon des femmes de Huit femmes, ou alors les alléger un peu pour tirer davantage vers le trouble et l'ambiguité, pour les humaniser. Opter pour l'un ou l'autre. Choisir un style. Quand Paul nous raconte qu'il désire la mère de Charles, combien il est troublant de se retrouver seul avec elle, j'aurais aimer un peu plus de trouble justement pour moi spectatrice.
Bref j'ai eu l'impression qu'Ozon ne savait plus sur quel pied danser au fur et à mesure que son film se déroulait, qu'il ne savait pas trop comment se dépatouiller avec ses personnages et son histoire. Heureusement, comme il est doué, il parvient à bricoler une fin acceptable, à la fois dans le fond avec un point final et une ouverture au méli-mélo qui a précédé et aussi dans la forme avec un joli plan de nuit sur les fenêtres allumées d'un immeuble laissant apercevoir leurs habitants en train d'évoluer, comme autant d'idées de scénarios possibles de livres ou de films. D'accord, d'accord.

 

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Commentaires
A
Même impression. J'ai vu ce film un peu par hasard. Je n'arrive jamais à y croire tout à fait. Pourtant il y a des multiples rebondissements, des personnages variés et complexes. J'aurais mis un peu plus de dramaturgie et de fougue. Le faux suicide par exemple est traité comme un événement parmi d'autres.
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