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Je lis au lit
10 octobre 2012

Une semaine de vacances de Christine Angot

 

angoy

On commence le livre et on sait déjà. Ne faîtes pas comme si vous ne saviez pas, vous avez lu des papiers ça et là sur le dernier récit de Christine Angot, vous en connaissez le sujet et le propos, la relation incestueuse que lui a imposée son père alors qu'elle était adolescente. La curiosité vous pousse à ouvrir ce livre, comment va-t-elle encore une fois écrire sur cet inceste, comment va-t-elle s'y prendre, alors qu'elle l'a déjà fait à maintes reprises? Vous n'avez qu'un souvenir flou du récit L'inceste, qui date de...1999, oui c'est ça, il vous avait plu d'ailleurs, il faudrait le relire...

Donc comme vous je me plonge dans Une semaine de vacances,une heure suffit pour le lire, c'est court, dense, la mise en page est ramassée, petit rectangle vertical sur la page blanche, grandes marges, pas de retours à la ligne. Et je me laisse embarquer... Ca commence comme un film porno un peu ridicule, scène obscène et grotesque d'un homme à poil sur les toilettes en train de se mettre un bout de jambon sur le sexe, oui oui, je n'invente pas, et puis peu à peu, ça devient difficile, pénible, tant cet homme insupporte, fat, sûr de sa toute puissance, de son pouvoir, de sa soi-disant intelligence et de son ego surdimentionné, tête à claque imbu de lui-même. Si l'on oublie ce que l'on a lu avant, si l'on prend ce livre vierge de tout savoir sur les personnages, tout est fait pour que l'on croit d'abord à une relation dominant-dominé entre un homme d'âge mûr et une toute jeune fille qui ne connait rien du sexe. Il l'humilie, l'impressionne, la plie à sa volonté malsaine, la sodomise tant et plus contre sa volonté.
Mais une fois, puis deux, puis quatre, ce bonhomme demande à sa compagne de l'appeler "papa", la première fois, on pense qu'il se moque, encore un petit jeu pervers...  Puis évidemment, on ne peut plus faire autrement, puisque de toute façon on sait, alors on garde alors bien en tête qu'il s'agit bel et bien là d'un père et de sa fille. Où, quand, dans quelles circonstances, on ne sait pas trop, mais cela devient bel et bien dégueulasse tant ce père apparaît comme un être abject. Ce n'est pas tant ce qu'il fait qui est insoutenable, et ça l'est déjà, que la manière dont il le fait, avec assurance, sûr de lui, manipulateur jusqu'au bout, utilisant le chantage affectif, la domination intellectuelle, le chaud et le froid.
Christine Angot ne nous dit pas ce qu'il se passe dans sa tête d'adolescente, elle adopte au contraire un point de vue extérieur, neutre et descriptif, détaillé et méticuleux pour écrire les scènes de sexe. Les gestes, les paroles de cet homme sont rapportés avec minutie, s'enchaînent. Nous avons les images, pas le texte pourrait-on dire, ou alors seulement les mots du père, la fille restant muette au moment des faits. Elle se contente de s'extraire comme elle peut de la souffrance, regarde le décor, les détails de la chambre, la fenêtre.. Tout est écrit à la troisième personne, et exclut de manière systématique le Je, le point de vue de celle qui se soumet. C'est très bien fait cela, car dans l'inceste, l'enfant se trouve en effet nié en tant qu'enfant de... , et  en tant qu'individu pouvant s'exprimer ou dire aux autres ce qu'il lui arrive.

Mais finalement de l'accumulation de ces scènes sexuelles décrites par le menu, de cette absence de prise de parole de la jeune fille, ressortent bel et bien, le dégoût et l'effroi, l'impuissance et la sidération éprouvés par celle qui est prise au piège. J'ai eu envie de la secouer, de lui crier de s'enfuir et de taper, mais voilà, le besoin d'affection, la peur de l'abandon priment sur la douleur morale et physique, sur l'humiliation et la honte.

Seule la toute fin du livre, avec cette dernière phrase magnifique ouvre sur une rébellion possible, sur une parole de révolte sans doute, en tout cas sur une parole qui se libère. Vit-il encore ce père, lit-il ce qu'écrit sa fille trente ans après? Je lui souhaite en tout cas, qu'il se reconnaisse et tombe foudroyé. Et que l'écrivain réussisse là où  l'adolescente n'a pas su.

Je vais relire L'inceste finalement, Christine Angot m'a eue encore une fois. Tant mieux car depuis un petit moment, depuis qu'elle nous racontait ses histoires de couples inintéressantes, je la battais froid. Là, je la retrouve, pareille et à la fois différente, sous un de ses meilleurs jours.

Ed. Flammarion, 2012

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Commentaires
F
Lis alors, si ce n'est pas déjà fait, Tigre tigre de Margaux Fragoso, sur quasi le même sujet, mais dans un registre tout à fait différent.
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E
Je n'ai pas pu , pas eu le courage de finir ce livre. trop dur. Elisabeth
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